Sur le thème de la mobilité et des frontières dans les Alpes, l'Association internationale pour l'histoire des Alpes a organisé en 1997 un colloque à Grenoble dont ce volume publie les communications. Pas moins de 26 textes (11 en français, 11 en allemand et 4 en italien), rassemblés en quatre groupes: le premier envisage globalement les tendances actuelles de la recherche et les trois autres rangent les différentes contributions en trois périodes chronologiques.
La première partie est particulièrement utile dans la mesure où l'on peut en quelques dizaines de pages se mettre commodément à jour dans plusieurs directions de recherche profondément renouvelées durant les dernières décennies. Ainsi, parmi d'autres, le bilan critique de Laurence Fontaine montre les limites des modèles couramment utilisés pour rendre compte de la mobilité en insistant sur les effets perturbateurs que ces modèles exercent sur notre mode d'intelligibilité des migrations. Pour sa part, le rapport nuancé de Pier Paolo Viazzo fait un sort à la thèse des montagnes comme réservoir inépuisable d'hommes en insistant sur les systèmes de démographie à faible natalité.
Que retenir des nombreuses communications qui couvrent un énorme champ chronologique et géographique, de la Préhistoire à nos jours, et l'ensemble de la chaîne alpine? Au risque d'un choix sans doute partial, on mentionnera les bilans de recherches très prometteuses en cours (particulièrement celles sur l'utilisation du métal à l'âge du bronze ou encore la grande enquête d'Anne Radeff sur les mobilités de la fin de l'Ancien Régime). Des régions plus difficilement accessibles, notamment pour des raison linguistiques, donnent lieu à des communications intéressantes (la Slovénie au Moyen Age par exemple, ou pour des périodes plus récentes les Alpes Juliennes et les Alpes Carniques). Des approches nouvelles permettent d'affiner notre compréhension de ce phénomène majeur découvert par l'historiographie voilà une trentaine d'années déjà, à savoir que les Alpes ont joué le rôle de barrières sans doute mais ont été des espaces traversés et intensément vécus. Voyez, par exemple, les communications sur la contrebande aux 17e–18e siècles. Des travaux aux confins des différentes disciplines illustrent aussi le profond renouvellement de thèmes apparemment plus classiques. La recherche d'Andreas Bürgi sur la figure du chasseur de chamois dans la lit-térature du 18e siècle en est un bon exemple. D'autres travaux sur la réception des idéologies contemporaines dans l'espace montagnard (Thomas Hellmuth) ou sur les récits de vie des migrantes du Tirol (Sabine Schweitzer) mériteraient plus qu'une simple mention.
Ce volume composite, pour lequel une introduction plus substantielle des éditeurs aurait été bienvenue, témoigne avec bonheur de la vitalité des recherches alpines autour de centres dynamiques, au premier rang desquels Grenoble, Innsbruck et Trente. Dans ce contexte et sur des chantiers de pointe, on ne peut que regretter, sauf individualités remarquables, l'abstention complète de la recherche suisse.
François Walter (Genève)